Data guide féministe du Festival Lumière

On va voir quoi cette année ?
On ne présente plus le Festival Lumière, joyau de la culture lyonnaise, qui propose encore une fois cette année, une programmation fournie. Et puisque choisir c’est renoncer, la rédaction de L’Écornifleur, en bon ambassadeur des wokistes, vous a concocté un petit guide féministe ludique pour vous aider dans ce choix cornélien. Pour faire un premier tri parmi les 155 films projetés cette année, nous leur avons fait passer le test de Bechdel qui vise à mettre en évidence la sous-représentation des femmes dans une œuvre de fiction. Pour aller plus loin, les journalistes de L’Écornifleur sont aussi allés regarder le ratio homme/femme derrière la caméra pour affiner la sélection.

À l'écran : le test Bechdel
Quelle représentation des femmes dans les films du Festival ?

Derrière la caméra
Quelle est la place des réalisatrices dans la programmation du festival 2024 ?

Et depuis quinze ans ça donne quoi ?
Quelle place des femmes cinéastes dans le festival depuis sa création ?

Sources : programme du Festival Lumière et site bechdeltest.com @L'Ecornifleur
Attention. Le test de bechdel est avant tout une blague de la dessinatrice Alison Bechdel. Il est loin d'assurer la qualité du film et/ou la bonne représentation des femmes ou, au hasard, des questions touchant aux violences sexistes et sexuelles puisque, par exemple, le film El Topo de Jorodowsky passe le test. Il permet surtout de réaliser que dans de nombreux films, les femmes sont des faire-valoir ou brillent par leur absence.
À l'écran : le test Bechdel
Le test de Bechdel c'est quoi ? Tout simplement, un film passe le test de Bechdel quand il inclut au moins deux personnages féminins, avec un prénom chacune, qui parlent entre elles, et surtout, surtout, qui ne parlent pas de mec.
Un moyen ludique de faire un premier tri !
À partir de la base de données du site bechdeltest.com, recensant plus de 10 000 films, L’Écornifleur a passé au crible le programme du Festival Lumière de cette année. Sur les cinquante films de cette édition du festival répertoriés par le site, 54% d'entre eux échouent à ce test (27 films sur 50). La faute à des critères extrêmement restrictifs (avoir un prénom, quelle exigence). Parmi les vingt-sept recalés, neuf d’entre eux présentent moins de deux femmes nommées à l’écran : Gilda, Astérix et Cléopâtre (mais où est Falbala dans celui-là ?), Les Sept samouraïs (sans surprise), Sicario ; onze comptent bien deux femmes nommées, mais ne parlant pas entre elles (OSS 117, Las Vegas Parano, Un homme pour l’éternité) et neuf incluent deux femmes qui ne discutent que d'hommes (Django Unchained, Le train sifflera trois fois, Chantage).
Aïe, le bilan est rude.
Les films "bechdelins" de la programmation 2024 : Barberousse, Café de Flore, Le Dictateur, Drive, Elle, L'Exorciste, Greta, Les griffes de la nuit, Hellraiser, Hérédité, Julia, Juste la fin du monde, La colline a des yeux, Malcolm X, Mommy, Mulholland Drive, Passion de Jean-Luc Godard, La Pianiste, Sur mes lèvres, Tant qu'il y aura des hommes, Un tramway nommé Désir et Vampyr. |
Au boulot !
Évidemment, la rédaction n'a pas vu tous les films à l'affiche du festival cette année. Alors pour certains (105, c'est pas rien), les journalistes de L'Écornifleur (et l'ami ChatGPT) n'ont tout simplement pas de réponse...
Mais peut-être que toi oui !
Les règles sont simples : au moins deux femmes identifiées qui parlent entre elles et pas de mec.
Alors Bechdel ou pas Bechdel le film que t'as vu ?

Derrière la caméra
Il n'y a pas qu'à l'écran que les femmes sont mises de côté. Cette année, seuls seize films projetés sont réalisés par des femmes, dont quatre par la réalisatrice Icíar Bollaín, invitée d'honneur du festival, et trois par la réalisatrice mexicaine Matilde Landeta. En tout et pour tout, elles sont douze réalisatrices. Presque assez pour jouer au rugby, mais pas suffisamment pour faire le poids en comparaison des 107 réalisateurs masculins à l'affiche. Un écart étourdissant.
Les 16 films de femmes cinéastes à voir cette année au festival : Bulle Ogier, portrait d'une étoile cachée, Chaplin, spirit of the Tramp, Claude Lelouch, la vie en mieux, Coup de foudre, Kalamita, L'Affaire Nevenka, La negra Angustias, Les Repentis, Lola Casanova, Même la pluie, Ne dis rien, Sac de nœuds, The Substance, Trotacalles, Walking in the Movies et La Cité de Dieu. |

LES CHOUCHOUTES DU FESTIVAL LUMIÈRE
Récompensée pour l'ensemble de sa filmographie par le Prix Lumière en 2021, la lauréate Jane Campion est l'unique réalisatrice à l'avoir obtenu depuis sa création. La néo-zélandaise devient alors réalisatrice la plus programmée par le festival. Onze de ses films y ont été projetés, parmi lesquels Sweetie, Un ange à ma table ou encore La Leçon de piano.
Juste derrière elle, avec sept films chacune, la britannique Muriel Box (1905-1991), réalisatrice de The Other Eden (1959) et Too Young to Love (1960), et Dorothy Arzner (1897-1979), pionnière états-unienne du cinéma des années 30 (Anybody's Woman, Working Girls, Dance, Girl, Dance). Vient enfin le duo français de sœurs documentaristes, spécialistes du cinéma hollywoodien : Clara et Julia Kuperberg avec six films (This is Orson Welles, Et la femme créa Hollywood).
Championne de sa catégorie, Jane Campion se place seulement en 33ᵉ position des cinéastes avec le plus de films programmés au festival entre 2009 et 2024. Loin du podium où trônent Martin Scorsese avec 25 films, Akira Kurosawa (24), Ingmar Bergman et Francis Ford Coppola (20).
Une tendance de fond
On revient de loin. En 2009, seulement trois femmes, soit 7% des réalisateurs, figurent au programme du festival. Parmi elles, la cinéaste française Agnès Varda. Malgré une filmographie balèze (Cléo de 5 à 7, Sans toit ni loi, Les glaneurs et la glaneuse, Le bonheur...), elle n'est à l'affiche de la première édition que le film Loin du Vietnam réalisé aux côtés de six autres réalisateurs masculins...
Après 2018 et MeToo, le palier des 10% de réalisatrices est dépassé. Le record est atteint en 2020 avec 16% de réalisatrices, soit vingt-trois femmes pour 142 réalisateurs. Une percée relative, puisque la moyenne stagne toujours péniblement autour de 10%, et ce, malgré l'augmentation du nombre de films projetés au festival au fil des années, mais aussi de la création de la rétrospective "Une histoire permanente des femmes cinéastes" en 2014, qui prend le soin de les mettre à l'honneur.
Entre 2009 et 2024, le Festival Lumière a vu défiler près de 2 203 films différents, remontant parfois jusqu'à l'époque du cinéma muet. Ces films ont été réalisés par 1110 réalisateurs ou réalisatrices, seuls ou en équipe.
Sans surprise, la place faite aux réalisatrices est réduite. Avec 189 films réalisés par au moins une femme, c'est un peu moins de douze films en moyenne par édition qui inclut une cinéaste.
En seize ans, c'est 111 réalisatrices différentes qui auront été célébrées au Festival Lumière, contre... 989 réalisateurs.